En premier lieu, malgré les photographies et les films documentaires qui nous habituent ou nous préparent à la rencontre d’une œuvre architecturale, c’est un effet assez spectaculaire que de découvrir ce projet avant-gardiste derrière une entrée et une cour si typiquement parisiennes. La composition générale me séduit et une multitude de détails accrochent rapidement l’œil. Les proportions semblent délicates et le tout dégage un raffinement et – déjà – un certain mystère.
Ce qui marque d’emblée une fois entré, c’est cette particulière lumière diffuse qui emplit la maison ainsi que la sensation d’intériorité : malgré l’abondance du matériau verrier, les notions de protection et d’introversion sont très présentes. Le rez-de-chaussée correspond assez à sa fonction de lieu de travail et d’espace de transition entre espace public, semi-public et privé. L’on perçoit déjà la palette de matériaux utilisée par Chareau et l’incroyable quantité de détails mise en œuvre.
En montant au 1er étage par le grand escalier, l’on ressent immédiatement le passage à la sphère privée et domestique, aussi bien par la configuration spatiale que par l’ambiance plus poétique, moins industrielle.
Le grand salon est je dois dire assez extraordinaire. La lumière diffuse lui confère cette atmosphère si spéciale que le temps en semble suspendu. C’est sans conteste la pièce maîtresse de la maison.
L’agencement des autres espaces est très instructif sur le mode de vie des habitants, si avant-gardistes et si bourgeois en même temps. Il y a dans cette retenue et dans cette prise en considération des manières et des us de l’époque quelque chose d’Adolf Loos…
Encore une fois, un point très important est l’extraordinaire qualité et quantité des détails que l’on peut lire dans tout le projet. Tout est sujet à un détail, pensé, dessiné et exécuté sous l’attention de Chareau sans que cela affecte la globalité et l’homogénéité de l’ensemble. Je relève particulièrement la très belle porte à pivot vitrée du 1er étage ou encore le jeu des différentes matières tour à tour perforées, pliées, cintrées etc. De même, l’on ressent tout le travail sur l’ergonomie et le sens du toucher. L’architecture fait corps avec le corps et rien n’est neutre : l’on regarde, l’on touche, l’on parcourt, l’on actionne…
Pour autant, cette profusion de détails relève d’un certain maniérisme et d’une esthétique industrielle qui confère paradoxalement un caractère délicieusement suranné à l’ensemble…
Ce qui me semble important dans la Maison de verre, c’est qu’elle est l’œuvre d’un architecte, pour un commanditaire, à un moment précis avec la volonté non pas de produire une réponse générique mais bien de composer une œuvre « totale » avec pour souci constant de révéler le pouvoir poétique et d’évocation de l’architecture.
L’on mesure aisément l’effort de Chareau, les difficultés mais aussi et surtout sa réussite et c’est à juste titre qu’il a – je crois – déclaré à son client, une fois l’œuvre achevée :
« Je me suis battu comme un lion pour votre maison. »
Driss Kettani